Je suis Malgache, Merina et fière de l’être… Et alors?
La lecture de l’article « Ny fireneny Merina » ne laisserait pas beaucoup de Malgaches – comme moi – indifférents puisque Madagascar n’a jamais été, disons-le, un modèle en terme de « solidarité nationale ». Cet article de « blog » (qui insinue que le blogueur peut raconter ce qu’il veut sans limite, « normalement », contrairement à un journaliste) m’a personnellement doublement frappé de par son contenu : sujet sensible #1 des Malgaches, mais aussi de par le fait qu’il m’est assez difficile de rester objective entre l’objet et le sujet (Parce que je me sens visée? Parce que j’ai pu « me faire une idée subjective des sujets ? L’auteur ou l’interviewé, ou les deux ?) Néanmoins, en tant que blogueuse, je vais m’offrir le luxe d’user de mon « droit de réponse » même si personne ne me l’a demandé.
Bien que l’auteure du blog ne me semble pas trop friande de compliments (subjectivité), son article, grâce à ses « sauts d’humeur », a le mérite de crever l’abcès sur LE sujet qui dérange à Madagascar : l’ethnicité !
Si, à mon humble avis, nous sommes tous quelque peu « racistes » à des niveaux différents, l’école de la vie nous apprend à « accepter la différence ». Nous vivons chaque jour avec des propos racistes, soient-ils volontaires ou non. Un collègue m’avait raconté qu’il n’a réalisé que depuis peu (et moi, après qu’il me l’ait dit) qu’une phrase commençant par « Ny olona aty… » (les gens d’ici) avait une connotation péjorative dans certaines régions de l’île. Ou encore quand nous Malgaches disons : « C’est une Européenne qui dirige le projet, elle s’amène avec ses grands chevaux et toutes ses théories occidentales qui sont totalement inadaptées au contexte « national » ou « local », (comme vous voulez, selon que vous vous sentez plus appartenir à une ethnie ou au pays). Nous évoquons souvent les blagues « belges », de « blondes », le « sourire Africain », la « théorie des climats » expliquant la nonchalance de ceux qui vivent sous les tropiques… d’autres vont même jusqu’à expliquer le « moramora » Malgache par le trop plein de manioc (oui oui, n’avez-vous pas envie de dormir après avoir mangé du « ravitoto« ?).
Tout cela pour en arriver à la conclusion que nous, êtres humains, avons tendance à vouloir catégoriser une personne, une situation, une réaction dans les tiroirs de nos « leçons reçues » d’expériences, d’éducation et de lavages de cerveau. Nous vivons suivant des repères « innés, appris ou imposés » et notre recherche d’identité fait partie de cette quête personnelle, ethnique, nationale. Un psy m’a demandé, pour casser mon raisonnement « trop » rationnel, « qui es-tu? » Si l’un d’entre vous peut y répondre, merci de m’aider parce que je dois avouer que je cherche encore la réponse. Auparavant, ce texte ci-dessous pourrait vous aider à vous perdre autant que moi:
Une femme était dans le coma et se mourrait.
Elle eût soudain l’impression qu’on l’amenait au ciel et qu’elle se trouvait au lieu du jugement.
– Qui êtes-vous? » demanda une voix.
– Je suis la femme du maire, répondit-elle.
– Je ne vous ai pas demandé de qui vous êtes la femme, mais bien qui vous êtes.
– Je suis la mère de quatre enfants.
– Je ne vous ai pas demandé de qui vous êtes la mère, mais bien qui vous êtes.
– Je suis maîtresse d’école. »
– Je ne vous ai pas demandé qu’elle est votre profession, mais bien qui vous êtes.
Et cela continua ainsi, quelque fût sa réplique,
elle ne semblait pas fournir de réponse satisfaisante à la question .
– Qui êtes-vous?
– Je suis chrétienne. »
– Je ne vous ai pas demandé votre religion, j’ai demandé qui vous êtes.
– Je suis celle qui est allée tous les jours à l’église et qui a toujours aidé les pauvres et les miséreux.
– J’ai demandé non ce que vous avez fait, mais qui vous êtes.
Elle a manifestement échoué à l’examen, puisqu’on l’a renvoyée sur terre.
Quand elle se remis de sa maladie, elle décida de découvrir qui elle était.
Et cela fit toute la différence.
Votre tâche consiste à être.
Pas à être quelqu’un, pas à n’être personne,
parce que cela implique avidité et ambition;
pas à être ceci ou cela et ainsi devenir conditionné,
mais juste à Être.
https://www.lespasseurs.com/Qui_etes-vous.htm
Revenons à nos moutons… de panurge ! Après le grand focus de la page facebook : « Firenena Merina« , malgré la première réaction amenant à penser que le terme « Firenena » se traduit par « nation », je vais mourir moins idiote parce qu’effectivement, le mot « firenena » a aussi pour traduction du Malgache à l’Anglais « a race, a tribe » ou vers le Français « peuple ». Mon second réflexe a été de vérifier si les autres ethnies Malgaches affichent aussi clairement leur fierté et sentiment d' »appartenance » à un groupe de personnes particulier sur Madagascar : Sakalava, Betsileo, Betsimisaraka, Antanosy, Bezanozano… Puis, pour comprendre si c’est le même cas sur la planète, effectivement, nous avons la page des Newyorkais. des Toulousains… La recherche d’identité, le besoin d’appartenance et d’être classifié comme un dossier dans un « tiroir » est donc effectivement naturel et humain.
Mais alors, pourquoi cet article m’a amené à réagir ?
Sûrement pas parce que j’ai honte de mes racines, même si je trouve « vieux jeu » de le crier sur tous les toits… C’est bien d’être fier de ses origines, quelles qu’elles soient, mais… et après, qu’est ce que cela m’apporte dans mon présent et mon futur ? Je suis issue d’un peuple d’anciens esclaves, colonisés par les Français… et donc, de par l’histoire qui nous lie, je devrais « haïr » tous les français ? Et surtout, devrais-je les « catégoriser » dans mon tiroir « France = colons » et donc mettre tous les Français dans le même sac ? S’il est vrai que nous sommes conditionnés par notre environnement, que chaque culture a ses propres avantages et inconvénients, je ne saisis pas en quoi « revendiquer ses racines » nous fait avancer ou reculer dans notre petit bonhomme de chemin ? Je suis Merina, Malgache… et alors? Statu quo !
L’ethnicité est d’autant plus d’actualité que demain, le 29 Mars, nous commémorons l’insurrection de 1947. Allons-nous nous souvenir de ces 89 000 compatriotes morts « pour le pays » et non pour X, Y ethnie pour cultiver la haine envers la patrie colonisatrice ou plutôt pour nous souvenir de l’importance d’une patrie = Madagascar et prendre exemple sur le courage de ces Malgaches qui ont donné leur vie pour une cause qui pour eux, était juste ; Une bataille qui valait la peine d’être entreprise, à tout prix ? Nous, Malgaches qui accordons beaucoup d’importance et un profond respect aux défunts, ils doivent se retourner dans leurs tombes en nous voyant ruminer le passé sur des bases « ethniques » plus que « nationales ». Devrait-on déclarer Madagascar comme étant un continent où chaque ethnie serait un pays ?
Aussi, le proverbe Africain « si tu ne sais pas où tu vas, souviens-toi d’où tu viens » me semble « obsolète »… revenant aux propos « d’évolution ». C’est louable de garder ses propres rites culturels, d’affirmer en quoi nous sommes différents du reste du monde… Ceci étant, votre rythme de vie et de travail est-il le même que du temps de vos grands-parents et de vos parents ? A quelques exceptions près, peut-on aujourd’hui, sur Madagascar, se permettre une vie avec quelques extras avec un seul revenu ? Les femmes ne travaillent-elles que pour satisfaire leur besoin d’émancipation… sur Madagascar ? Qui de nos jours peut s’offrir le luxe de ne pas se mettre tous les atouts de son côté et planifier son avenir, même si Dieu est le seul qui décide si nous allons réaliser nos rêves ou pas ? Alors, ne s’agit-il pas ici d’évolution ? D’après ma compréhension, le positivisme et la vie en elle-même ne résident pas dans le passé. Quand nous voulons avancer, allons-nous de l’avant ou en marche arrière ? Pleurons-nous nos chagrins d’amour indéfiniment pour ne plus croire en l’amour ou acceptons-nous de tourner la page avec les séquelles du passé ? Retenir les leçons du passé est essentiel pour que l’histoire ne se répète pas mais rester scotché au passé n’apporte pas son grain de sable au désert… Les grains de sable du passé demeurent et peuvent former le pilier de ce désert mais qu’apportons-nous alors, nous qui sommes encore vivants ? Et Dieu sait combien notre traversée du désert est interminable dans ce pays. En 2013, si tu ne sais pas où tu vas, pose-toi, ne bouge pas, réfléchis jusqu’à ce que tu puisses imaginer un semblant de sentier qui te fasse avancer !
Enfin, que cet article ait mit l’accent sur les Merina, Antanosy, Sakalava ou autres, ce que je trouve personnellement déplorable à Madagascar (et ceci n’engage que moi), c’est justement cette insuffisance « d’identité nationale« . Autant, l’expression malgache « vazaha mody miady » (des blancs qui font semblant de se disputer) est vraie, autant nous prônons le « gasy mody miaraka » (des malgaches qui font semblant d’être unis). Une fraîche conversation avec un pêcheur de Sainte-Luce, dans les environs de Fort-Dauphin, résume bien l’état d’esprit que je partage : « J‘ai été pêcheur toute ma vie, je ne sais faire que cela. J’ai entendu que QMM pourrait s’installer chez nous et j’ai beaucoup d’appréhensions par rapport à ce changement. Ce que je souhaite, c’est qu’ils prennent le temps de nous apprendre d’autres choses si ce changement doit se faire, parce que nous voulons apprendre et nous avons des capacités que d’autres n’ont pas. Le reproche que j’ai envers QMM, ce n’est pas tant qu’ils emploient des gens d’Antananarivo (des Merina, comme moi qui ai discuté avec lui), mais plutôt qu’ils nous imposent le changement sans se préoccuper de notre avenir. » Je vous laisse suivre les nouvelles des revendications actuelles sur Fort-Dauphin qui, une fois de plus, de par cet amour « ethnique », finit par de purs débats racistes avec comme principal objet la ségrégation et la culture de répugnance pour la différence !
Quand une personne « ouverte d’esprit » est face à un obstacle parce qu’elle n’a pas les armes adaptées pour gagner la partie, elle observe, apprend et ajuste ses armes pour revenir sur le front. Quand une personne « étroite d’esprit » est face à un obstacle, elle s’accroche à ses armes (*prie fort pour un miracle) sans jamais rien changer et s’étonne de ne jamais surpasser cet obstacle… et bien sûr, pour ne pas le prendre sur soi quand on rentre bredouille, il faut s’accrocher à quelque chose… et dans cet article, ce quelque chose, c’est l’Histoire… L’Histoire ne s’arrête jamais, pourquoi accorde t-on plus d’importance sur l’Histoire qui a déjà été écrite avec de l’encre de sang, plutôt qu’à l’Histoire qu’il nous est demandé d’écrire aujourd’hui, maintenant, demain, et pour les futures générations… pour qu’elles aussi à leur tour, puissent avoir la combativité nécessaire pour mener ce pays à une cohésion nationale.
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